Pangée 2 : vingt deuxième épisode

Publié le par Abel



EPILOGUE


Par la fenêtre, elle regardait la neige qui commençait à tomber. Elle ne se lassait pas de ce spectacle, pas plus que de celui de la pluie ou de la brume se répandant dans les quelques rares forêts qui existaient encore.
Vingt ans qu'elle avait découvert ce qu'était une rivière, un arbre, et à chaque fois, c'était la même découverte.
Elle regarda la salle qui s'était vidée quelques minutes auparavant, se souvenant de cette nuit où, encerclée par les murmures de créatures invisibles, elle avait rêvé de cet endroit sans comprendre qu'un jour ce serait là qu'elle passerait l'essentiel de son existence.  Elle avait compris depuis que les derniers songes de Drend et son rêve étaient liés à la proximité de cet étrange joyau qui permettait d'errer dans des univers où les rêves prenaient corps : passé et avenir s'y confondait et leurs esprits avaient pu y errer à la fin de leur quête.
Elle avait changé de nom, changé d'existence, d'univers même, mais son visage semblait ne pas devoir laisser de prise au vieillissement.
La neige tombait doucement semblant recouvrir le paysage d'un linceul de silence, tandis qu'elle pensait aux derniers jours : les mondanités, le bruit et la fatigue, les récompenses. Après tout, elle était la femme qui avait offert à l'humanité les portes de l'infini par ses récentes découvertes.
Pas si récentes en fait, mais il fallait attendre que le plan exposé par l'assemblée des IA arrive à maturation, que la révolte face à l'incompétence, au despotisme commence à s'organiser. En théorie l'heure était venue : la tyrannie européenne s'effondrait enfin, l'Amérique ruinée et isolée s'essoufflait, quant aux fondamentalismes de tous crins, les anciens citoyens de la Pangée avaient bien travaillé... Bien des choses devaient être réglées, mais le travail de sape avait été efficace. Elle n'avait plus que des contacts épisodiques avec eux, Drend compris : la victoire était à ce prix, mais quelle récompense au final.
Elle regarda le ciel, s'imaginant les étoiles cachées par les nuages plombés. Il était loin le temps où elle craignait l'apparition des astres ; désormais elle guettait avec ferveur leur scintillement. Quel avenir pour l'humanité ? Elle n'en savait rien, personne ne le savait, mais au fond elle croyait que ce serait à la fois plus exaltant et plus noble que tout ce qui avait précédé. Plus de larmes ni de crimes odieux légitimés par de pseudo idéaux politiques ou religieux, plus de prétextes pour justifier l'injustifiable, plus rien ne pourrait servir à assouvir le goût du sang. Age d'or.
  Elle ferma les yeux, et se surprit à pleurer, autant en songeant à toutes les victimes passées de la barbarie, qu'en rêvant à cette paix universelle qui semblait sur le point de naître...
Qui pouvait le savoir...

Publié dans roman

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